Quid !?!
Blankass



 

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Article de Jean-Claude Demari
© 7-8/2003 Le Français
dans le Monde


 

« La couleur des blés », superbe folk rock, a révélé Blankass en 1996. Aujourd’hui, après un second album puis un silence de cinq ans, Blankass revient avec L’homme fleur, un CD essentiel. Retour sur une histoire commencée il y a étonnamment longtemps. 

 
Blankass en concert
Blankass en concert
Est-il possible de totaliser vingt-deux ans de scène quand on a à peine plus de trente ans ? Michael Jackson et sa fratrie mis à part, on serait tenté de répondre non. Erreur ! Nés au fin fond des campagnes françaises (à Issoudun, sous-préfecture de l’Indre, précisément), les frères Guillaume et Johan Ledoux, respectivement chanteur-accordéoniste et guitariste de Blankass, ont commencé à chanter en 1981. Ils avaient alors onze et neuf ans. 
L’album (le troisième de Blankass) qu’ils sortent aujourd’hui, L’homme fleur, est un modèle du genre folk rock. La voix de Guillaume y est à son zénith, vibrante, voilée, et son accordéon, signature du groupe, est empli de fureur contenue, loin des tziganeries java agaçantes dont sont coutumiers certains groupes français. Quant aux mélodies, elles imposent, elles aussi, la marque Blankass : mémorables dès la première écoute. Ces chansons ne sont pas neutres : « Pour la lumière », émouvant moment d’intimité, donne la parole à ceux qui viennent, avec ou sans papiers, vers la lumière des villes riches, et « Mondiale idée », énorme tube potentiel et chanson engagée nouvelle manière, parle autrement, tempo compris, de mondialisation. Deux autres titres s’imposent : « La croisée », ballade d’un calme impérial emplie de guitares acoustiques et d’accordéon, et « Les miens », rock tonique mais aussi manifeste, ironique plus que rageur, adressé à un directeur artistique spécialiste du formatage… Il faut dire que Blankass sort, avec cet album, de trois années de procès avec son ancienne maison de disques. 
Zéro de Conduite, le premier groupe des frères Ledoux, commence son existence en 1981. À Issoudun, la mère de Guillaume et Johan, joueuse de vielle, travaille à la Maison des jeunes. Un groupe punk local y répète souvent. Avec leurs cheveux verts, ils sont les idoles de ses fils, âgés de neuf et onze ans. Amusés, un mercredi, les musiciens leur prêtent leurs instruments : l’aventure commence… Elle amènera Zéro de Conduite en première partie de ses héros : The Gun Club au Printemps de Bourges 83 et The Clash en avril 84… En juin de la même année, ils inaugurent le premier Zénith, à Paris, aux côtés de Trenet, Renaud et Higelin, et serrent la main du président Mitterrand. Fin de Zéro de Conduite en 1990. « Ce que je retiens de cette aventure, s’enthousiasme Guillaume, c’est de savoir que c’est possible. C’est une force. Tu ne peux plus t’arrêter. » Ils ne s’arrêteront plus. 
À l’été 90 se constitue Blankass. Guillaume, passant de la batterie à l’accordéon, marque le vrai début du groupe en 1991. La couleur est folk, celtique. Un parti pris qui, à l’époque, n’est pas dans l’air du temps. « On s’en foutait, martèle Guillaume. Nous voulions jouer notre musique sans compromis. Dire des choses aux gens. Je n’aime pas l’époque dans laquelle on vit. Nos chansons, avec leurs atmosphères et leurs histoires, essaient de changer un peu ça. » Le coup de pouce décisif vient de Jean-Louis Foulquier, qui les fait passer aux Francofolies de La Rochelle en juillet 1994, puis à celles de Montréal. 
En janvier 1996 paraît leur premier album, Blankass (Musidisc), emmené par l’exceptionnel « La couleur des blés ». Coup d’essai, coup de maître. Les envolées de cet album, mûries par quatre années de tournées, suscitent, dès février 1996, une adhésion unanime. Harmonicas, flûtes, accordéon, reprises de guitares rageuses : l’originalité en France de cet album doit beaucoup au folk électrique de groupes britanniques comme The Levellers. Pour le reste, Guillaume Ledoux, grand admirateur de Jacques Brel, fait confiance aux histoires simples, celles des gens : « Si tu veux mettre un message dans le cœur de quelqu’un, tu dois le lui ouvrir par la tendresse. » Si telle est la recette du succès, il y a une justice en ce monde.