Le 1er décembre, veille de la bataille,
Napoléon, ayant quitté Brünn dès le matin,
employa toute la journée à examiner les positions, et
fit établir le soir son quartier général en arrière
du centre de l’armée française, sur un point d’où
l’il embrassait les bivouacs des deux partis, ainsi que le terrain
qui devait leur servir de champ de bataille le lendemain. Il n’existait
d’autre bâtiment en ce lieu qu’une mauvaise grange : on y plaça
les tables et les cartes de l’Empire, qui s’établit de sa personne
auprès d’un immense feu, au milieu de son nombreux états-major
et de sa garde. Heureusement, il n’y avait point de neige, et quoiqu’il
fît très froid, je me couchai sur la terre et m’endormis
profondément ; mais nous fûmes bientôt obligés
de remonter à cheval pour accompagner l’Empereur dans la visite
qu’il allait faire à ses troupes. Il n’y avait point de lune,
et l’obscurité de la nuit était augmenté par un
épais brouillard qui rendait la marche fort difficile. Les chasseurs
d’escorte auprès de l’Empereur imaginèrent d’allumer des
torches formées de bois de sapin et de paille, ce qui fut d’une
très grande utilité. Les troupes, voyant venir à
elles un groupe de cavaliers ainsi éclairés, reconnurent
aisément l’état-major impérial, et dans l’instant,
comme par enchantement, on vit sur une ligne immense tous nos feux de
bivouac illuminés par des milliers de torches portées
par les soldats qui, dans leur enthousiasme, saluaient Napoléon
de vivats d’autant plus animés que la journée du lendemain
d’autant plus animés que la journée du lendemain était
l’anniversaire du couronnement de l’Empereur, coïncidence qui leur
paraissait de bon augure. Les ennemis durent être bien étonnés
lorsque, du haut du coteau voisin, ils aperçurent au milieu de
la nuit soixante mille torches allumées et entendirent les cris
mille fois répétés de : Vive l’Empereur ! s’unissant
au son des nombreuses musiques des régiments français.
Tout était joie, lumière et mouvement dans nos bivouacs,
tandis que du côté des Austro-Russes, tout était
sombre et silencieux.
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