Quid !?!
Blankass



 

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Propos recueillis par Mathieu Maire du Poset
© Le 30/05/2003 Longueurdondes.com


 

Après trois années de procédure contre son ancienne maison de disques, Blankass sort enfin son nouvel opus. Pour la première fois, le groupe a eu le temps de peaufiner son enregistrement entre studios et répétitions. "L’homme fleur" est un album très aboutit, dans lequel Blankass explore des voies inhabituelles, avec des titres très doux comme "Sur la branche". Celui-ci risque donc de surprendre, voir de décevoir certains fans, qui regretteront le côté plus énervé de "L’ère de rien". Blankass a certes toujours la pêche, mais avec une rage peut-être plus contenue. Le combo a vieilli, la mondialisation a remplacé Léon l’alcoolique, mais l’âme du groupe est toujours là, ainsi que les relations humaines au centre des textes. "L’homme fleur" déçoit par son manque de "rentre-dedans", mais sa maturité musicale séduit sur la longueur. Guillaume Ledoux chanteur du groupe nous parle du travail réalisé sur cet album et de leurs déboires.

 
Blankass © Up Music
Blankass
Dans quel état d’esprit êtes-vous au moment de la sortie de cet album, qui arrive enfin après maintes péripéties ?
C’est une excitation énorme, j’ai un peu l’impression de sortir la tête de l’eau. On n’a pas d’esprit revanchard. On a mis trois ans à sortir de notre procès avec Universal, on voulait changer de maison de disques. Aujourd’hui on revient enfin avec un nouvel album. Ce qui nous fait le plus plaisir, c’est de retrouver la scène. C’est ce qui m’a manqué le plus durant ces trois ans, ce moment où tu montes sur scène, il y a un truc indescriptible qui se passe dans ton ventre et que tu ne retrouves que là.

La relation entre Blankass et son public a toujours été particulière…
Oui, on a toujours voulu cet espèce de mélange avec le public, cette énergie à partager. Le public l’a senti très tôt, dès le premier album. Ça donne des trucs bizarres des fois, des gens qui se mettent à sauter sur une chanson très lente, c’est assez marrant. Il y a une complicité énorme, ils nous donnent énormément d’énergie durant les concerts, j’espère qu’on leur rend bien.

Pendant ces trois ans il n’y a plus eu de concerts, un problème de droits ?
Non, on pouvait mais on avait aucune actualité. On n’avait pas le droit de signer dans une autre maison de disques, pas le droit d’amener nos chansons ailleurs, donc au bout d’un moment les concerts, t’en a plus. Et ceux qu’on nous proposait, on les refusait. Il y a même des potes qui avaient des salles qui nous disaient : « On va faire un concert Blankass », mais on leur disait d’attendre le troisième album. On ne voulait pas leur faire prendre de risques, car il y a plein d’associations où ce sont des bénévoles qui bossent, et programmer un groupe qui n’a pas d’actualité c’est super dangereux. C’est une prise de risque énorme que l’on ne voulait pas faire courir à toutes ces associations rock. C’était une décision très dure, mais on voulait attendre l’album, bosser sur le disque, travailler les titres. On ne les a d’ailleurs jamais autant travaillés, il faut dire qu’on a eu le temps. « L’ère de rien » est un album qui avait été fait assez vite, composé et enregistré tout de suite, sans que les morceaux soient joués sur scène, ce qui en fait un album très compact, qui se tient, mais peut-être trop. C’est un album qui a toujours le même son un peu tendu, un peu sombre, que je ne renie pas du tout, mais avec « L’homme fleur », on avait envie de faire quelque chose de plus varié, plus éclectique, avec plein d’ambiances différentes, des chansons tristes, gaies, lentes, rapides…c’est surtout cette direction là que nous avions envie de prendre, un truc vraiment éclectique et je pense qu’on a réussi à le faire. Pour cela, on a refusé aucune idée, on a laissé les mélodies venir toutes seules, on s’est laissé imprégner par des chansons qui n’étaient pas forcément « du Blankass », mais qui étaient assez malléables pour en faire quand même. A l’arrivée, cela donne un album qui prend vraiment son temps, un disque serein, assez posé, qui dit : « Voilà, je suis comme ça, c’est à prendre où à laisser. »

Une expression que les journalistes aiment bien c’est « la maturité », alors, est-ce un album plus mature ?
La maturité c’est souvent un beau mot pour parler de l’âge (rires). Effectivement, on parle des mêmes choses à 30 ans qu’à 20, mais plus de la même façon. Il y a un truc qu’il faut dire et qui est vraiment important dans Blankass : quand on écoute les trois albums, on se rend compte qu’on a toujours parlé d’une seule chose : les gens, les rapports humains, ce qui fait qu’on arrive à vivre ensemble tant bien que mal. A vingt ans j’en parlais comme une galerie de portraits, de gens rencontrés dans les bistrots, et à trente je parle des mêmes, mais à travers d’autres histoires, comme la mondialisation par exemple, ou à travers des histoires d’amour bien plus simples qu’avant. A 20 ans elles étaient toujours très compliquées. Je pense que dans n’importe quel métier artistique, plus on a d’expérience et de l’âge, plus on va vers quelque chose de simple et de dépouillé. C’est l’efficacité.

Comment avez-vous géré ces années de battement ?
Il y eu des moments de doute, mais jamais de découragement. C’était pourtant la dèche totale… La troisième année, avant qu’on trouve notre nouvelle maison de disques, je n’ai pas honte de le dire : on n’avait plus aucun revenu. On ne pouvait même plus payer les courses, l’eau, l’électricité, on avait les huissiers, enfin c’était vraiment la dèche. Mais jamais personne dans le groupe n’a dit : « Je vais m’en aller ».

Est-ce que ces années ont créé un lien encore plus particulier entre vous ?
Non, je ne pense pas, elles ont juste confirmé ce que l’on pensait. Depuis le début, on sentait bien qu’entre nous six il y avait vraiment un truc, une envie de faire de la musique ensemble, que le résultat commercial importait peu. On l’a toujours dit, on est là pour jouer ensemble, que ça marche ou pas.

Comment s’est donc passée cette séparation avec Universal ?
En fait, nous, on avait signé notre premier album chez Musidisc, petit label indépendant, dans lequel on est arrivé en ce disant que si jamais on en vendait 10 000, ce serait vraiment le rêve car on serait sûr d’en faire un second. Finalement on en a vendu 150 000, puis 80 000 du deuxième. Quand on était en studio pour enregistrer le second, Musidic a été racheté par Universal, nous on ne le savait pas. On s’est donc retrouvé chez Universal sans le vouloir et surtout sans négocier nos conditions d’arrivée chez eux, car ce n’est pas la même boîte, pas les mêmes gens, pas la même façon de travailler et il nous semblait donc normal de donner nos conditions de travail, ce qui n’a pas été possible avec eux. On a donc souhaité quitter Universal et cela a été le point de départ d’une procédure judiciaire.

Comment avez-vous réagi face aux coups de gueules de Noir Désir et Aston Villa aux Victoires de la Musique contre Universal et BMG ?
On était chez nous en train de répéter et d’en chier, donc quelque part cela faisait plaisir de voir des gens parler des maisons de disques et de dire ce qu’ils pensent aux Victoires de la Musique. En même temps, pour parler honnêtement et franchement, je pense que Noir Désir aurait dû quitter Universal le lendemain de la déclaration. J’ai été déçu qu’ils ne le fassent pas, même si j’ai plein de respect pour eux et que je les adore. Je pensais vraiment qu’ils le feraient, qu’ils avaient le pouvoir et le poids pour le faire bien, celui qui nous a manqué pour le faire sans que cela nous prenne trois ans.

La résistance doit se faire de l’extérieur ?
Ouais…(soupirs, réflexion) Mais on est tous dans ces problématiques… Même si Up Music est un gros indépendant, on est distribué par Warner. Le truc qu’on peut accepter c’est uniquement si tout le monde s’y retrouve. Et c’est là que ça ne va plus lorsqu’on parle de mondialisation et de l’Organisation Mondiale du Commerce. Un échange commercial entre un artiste et une maison de disques peut être viable et possible, mais il faut que tout le monde s’y retrouve.

Votre tournée a débuté, combien de temps va-t-elle durer ?
Oui, depuis le 28 mars. Mais on ne fonctionne pas en terme de « tournée ». Là, il se trouve qu’on a fait un break donc il y a un début, mais généralement il n’y a jamais de début ni de fin de tournée, puisque on tourne à l’année. On adore ça. Il y a des gens qui font des tournées pour promouvoir un album, nous on fait l’inverse : on enregistre des disques pour pouvoir continuer à tourner. Il n’y aucune appréhension même si on a été absent longtemps. On va recommencer par des petites salles, il ne faut pas griller les étapes, mais on va au moins tourner jusqu’à l’été 2004.