Quid !?!
Blankass



 

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Interview réalisée lors du Free Days Festival - ProdigeMusic
© 27/06/2003 Julie Marchal
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Blankass © Toutnancy.com
Blankass
© 2003 Toutnancy.com
Après un exil forcé pendant près de cinq ans, Blankass revient et met les bouchées doubles avec un nouvel album et un enchaînement de dates jusqu’à la fin de l’été 2004. « L’Homme Fleur » met un terme à trois ans d’absence, période durant laquelle le groupe fut en conflit avec Universal, son ancienne maison de disque. Déracinée, la plante du Berry a pourtant bel et bien repoussée, reste au public de la cueillir (notez le subtil jeu de mot...). Ce dernier opus est tout un symbole. Comme les hommes fleurs, nom donné aux membres d’une tribu d’Amazonie, qui parcourent des centaines de kilomètres à travers les forêts pour recueillir une fleur, Blankass traverse les galères pour décrocher son album. Ils l’ont échappé belle, c’est peu dire... Guillaume Ledoux (chanteur-accordéoniste) et Bruno Marande (bassiste) reviennent sur cette traversée du désert sans tomber dans le larmoiement ni la rancoeur à outrance. Au contraire, « L’Homme Fleur » n’a rien du règlement de compte, juste une petite mise au point... 
 
Votre nouvel album « L’Homme Fleur » est sorti en avril dernier, le single « La croisée » passe en boucle sur toutes les radios, vous venez d’entamer une tournée...Pour des parias de la chanson française, c’est un joli come back ! 
Guillaume : C’est vrai qu’on a eu chaud ! (rires) 

 Ces trois dernières années ont été très difficiles puisque vous étiez en procès contre votre maison de disque. Néanmoins, c’est durant cette même période que vous avez composé « L’Homme Fleur » alors que vous n’aviez plus aucun soutien de la profession et que vous n’étiez donc pas assurés que l’enregistrement puisse se faire. Vous l’avez géré comment ? 
Guillaume : On a vraiment failli ne pas s’en remettre. Quand on a décidé de quitter Universal, ils ont refusé alors on est entrés en conflit, il y a eu une procédure...

Mais encore ?
Guillaume : En fait, on avait signé le premier album chez un indépendant qui s’appelait Musidisc. On a vendu 150 000 exemplaires pratiquement, ce qui était inespéré. Et quand on était en studio pour faire le deuxième album, Musidisc a été racheté par Universal et donc on s’est retrouvés chez eux sans le vouloir. Au départ on trouvait ça bien mais le jour où on a essayé de négocier nos conditions d’arrivée, ça nous a été refusé. Si on ne faisait rien, on arrivait chez Universal aux conditions d’un tout premier contrat dans un petit label, et c’était tout bonus pour eux. Donc on a demandé une fois, deux fois, cinq fois et quand la sixième fois ils ont encore refusé de négocier comme normalement tout employeur, on a démissionné, on a fait comme dans le droit du travail, on a chacun écrit une lettre de démission. Ils ont refusé bien sûr, car on avait un contrat artistique. Et au jugement, on a prouvé que notre contrat pouvait être assimilé à un contrat de travail à durée indéterminé et donc on avait le droit de démissionner. Ils ont été condamné pour « entrave à la liberté du travail »... mais ça a duré trois ans. Et quand t’es en conflit avec une boîte comme Universal, ce qu’on avait pas prévu, c’est qu’ils sont tellement puissants que t’es mis sur une liste noire, que t’es grillé partout même chez leurs concurrents. C’est-à-dire que pendant trois ans, tu peux appeler n’importe qui, mais personne ne veux te répondre au téléphone. 

Un retour à la chasse aux sorcières ?
Guillaume : C’est exactement ça.
Bruno : Tu vois, ils ont une sainte horreur des artistes démissionnaires parce que ça remet tout en question, tous les contrats que les maisons de disque passent avec leurs artistes, donc ils ont été obligé de tout modifier après.
Guillaume : Et puis, on a vraiment eu peur parce que trois ans d’absence, enfin je dirais même cinq, parce que le 2è album est sorti en 98 et on a tourné pendant deux ans, donc on faisait quelque chose, mais la tournée finie, on n’avait plus rien. Et pour les gens, ça fait cinq ans sans sortie d’album donc on se demandait vraiment ce qu’on allait trouver, on se demandait surtout si on allait trouver une maison de disque qui voudrait bien travailler avec nous, parce que même les petits ne voulaient pas toucher à Blankass. Au bout d’un moment, les seuls coups de fil qu’on avait, c’était les huissiers! 
Bruno : Et eux nous aimaient bien !
Guillaume : Ah ouais, ils nous appelaient souvent eux ! (rires) Et pendant ces trois ans, on a composé l’album...mais plus du tout de scène. Et puis t’as les quelques rares copains qui ont une salle et qui te proposent de faire un concert de Blankass. On les remercie, mais on préférait leur dire que s’ils voulaient vraiment nous rendre service, il vallait mieux attendre qu’il y ait un nouvel album pour pouvoir faire une grosse tournée. On s’est vraiment serrés les coudes. Ce qui est bien, c’est que même si évidemment, on a eu des moments de doute, jamais on a été découragés, jamais on s’est dit qu’on allait arrêter. Au pire, on l’aurait produit nous-mêmes, parce que « L’homme fleur », on voulait qu’il sorte absolument. 

 
Blankass en concert © Toutnancy.com
Blankass
© 2003 Toutnancy.com

En fait, après deux albums qui ont cartonné, deux nominations aux Victoires de la Musique, et des tournées qui font salles combles, Blankass était une valeur sûre pour les pontes de la musique. Et d’un coup, vous reprenez tout à zéro... Il y a de quoi être blasé, non ?
Guillaume : Exactement. Tu sais, finalement, on n’avait jamais eu l’occasion de prouver ce qu’on disait, que depuis le début, on est une bande de copains qui veut faire de la musique. Après, le fait que ça marche, c’est du bonus. Mais tu n’es pas obligé de vendre pour être artiste, peu importe l’art. Donc on disait toujours ça, sans avoir l’occasion de le prouver, mais là, on l’a prouvé. Et en même temps on a eu le temps de faire, à mon avis le meilleur album de Blankass. Un jour, Thierry Chassagne, qui venait de quitter Sony, nous a appelé en nous disant qu’il créait un nouveau label chez Warner qui s’appelait Up Music et il nous a proposé sa première signature... Au départ, on a cru qu’il était saoul et en plein délire. (rires) Et finalement, c’était vrai. Alors on a signé et « L’Homme Fleur » est sorti le 1er avril ! Donc ça fait trois mois, on est à 45 000 ventes, on n’a jamais fait des scores comme ça, donc tout va bien quoi. Et puis revenir sur scène... engouement du public ou pas, t’es tellement content, que tu ne vois plus les choses pareil, c’est une telle joie de retrouver la scène ! T’as l’impression de ressortir la tête de l’eau et de respirer. 

Même si pendant que tu écrivais, on s’acharnait sur ton groupe, tu as su rester zen et ne pas laisser transparaître la colère dans tes chansons. 
Guillaume : C’est vrai que suite à tout ça, on aurait pu sortir un album hyper énervé, très revanchard... Mais on avait surtout envie d’oublier ce passage là et revenir avec un album très positif, très ouvert, où les gens sentent qu’on est tellement contents de revenir qu’on n’a pas envie de perdre du temps à prendre une revanche. On apprécie chaque instant, même dans le camion... (rires)

Vous attaquez quand même l’album avec "Mondiale Idée", c’est bien un clin d’oeil à vos mésaventures ?
Guillaume : C’est sûr. Mais tu sais, quand tu commences avec un premier album, t’as envie de dire plein de choses et un jour tu te rends compte que tu es en train de dire aux gens "ça c’est bien, ça c’est pas bien" et que donc tu donnes des leçons aux gens alors qu’ils sont assez grands pour savoir ce qui est bon pour eux ou pas. Et dans ce troisième album, on avait envie de parler des mêmes sujets mais à travers des histoires beaucoup plus de fiction, parce que tu te rends compte que si tu veux délivrer un message, tu peux aussi bien le faire en racontant des histoires comme dans un film ou un roman. Et c’est tout aussi efficace. C’est pour ça qu’avec « Mondiale Idée », on peut parler de la mondialisation au travers de l’histoire d’un mec qui à un moment de sa vie, croit à fond à l’argent et aux paillettes et qui se rend compte qu’il s’est trompé de chemin. « Les Miens » aussi s’adressent aux gens des maisons de disque qui te disent « oh mais ça c’est pas assez funky pour nous, on va peut-être changer un peu la voix ».

Alors avec vos propres mots, c’est quoi les changements avec cet album, pusique vous avez eu le temps de le faire mûrir. 
Guillaume : La compo s’est faite comme d’habitude, mais il y a eu un gros changement technique car on a voulu prendre encore plus de plaisir. On avait l’habitude, comme la plupart des groupes, de faire la basse puis la batterie sur tous les morceaux. Après on faisait toutes les guitares et on finissait par faire toutes les voix. Et puis tu te rends compte que ça peut donner des albums qui ont tous le même son, la même couleur. Et là, on a travaillé différemment. On a fait morceau par morceau et c’était mieux comme ça parce que t’es vraiment dans l’ambiance de la chanson jusqu’au bout. 
Bruno : En plus, on est tombé sur un ingénieur du son, Ben Fidley, qui est une bête en informatique, qui manie super bien le truc, qui bosse avec Peter Gabriel... et il nous a dit « moi je peux tout faire, je peux supprimer une note, je peux te replacer le coup de cymbale à un autre endroit. Mais ça m’intéresse pas de faire ça car déjà ça s’entend et ce qui m’intéresse c’est de choper la magie qui va se dégager de la prise ». Lui, sachant qu’il peut tout faire techniquement, ce qui l’intéresse, c’est de choper les musiciens et de capter le moment un peu comme un photographe. Et il a vraiment travaillé dans cette optique là, ce qui était super intéressant. Et c’est peut-être pour ça que l’album sonne mieux que les autres. 

« La couleur des blés » était dans une orientation acoustique, « L’ère de rien » est plus électrique dans une optique de vous rapprocher de vos prestations scéniques. Pour « L’Homme Fleur », on dirait que vous lâchez du lest. 
Guillaume : Je pense que la vraie expérience, c’est apprendre à se servir de l’efficacité. Souvent, quand tu commences, tu crois qu’être efficace, c’est en tartiner le plus possible. Mais il y a des chansons qui ont besoin d’être dépouillées... Tu prends « Sur la branche », c’est une chanson guitare acoustique/voix, je sais qu’il y a dix ans, cette chanson là, on l’aurait pas fait comme ça, mais on aurait rajouté plein de trucs dessus. On aurait mis de la flûte, de l’accordéon, de la guitare électrique, c’est sûr. On a préféré maintenant être plus épuré pour être plus efficace. 

 
Blankass en concert © Toutnancy.com
Blankass
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Concernant les concerts, vous êtes lancés sur une grosse tournée ? Premières impressions ?
Guillaume : On a déjà retrouvé notre public. Il y a même plein de visages qu’on reconnaît auxquels on faisait pas forcément attention il y a six ans, ça c’est chouette ! Là je crois qu’on approche du vingtième concert donc c’est vraiment le début. Entre avril et août, il y a 35 dates et 45 concerts du 15 septembre au 15 décembre et là, c’est vraiment tous les jours. Et on entame une autre série du printemps jusqu’à la fin de l’été 2004. 
Bruno : Et comme va bientôt falloir faire 507 heures en 3 mois... (rires) 
Guillaume : Voilà les nouvelles ! (rires)