Votre nouvel album « L’Homme Fleur
» est sorti en avril dernier, le single « La croisée
» passe en boucle sur toutes les radios, vous venez d’entamer une
tournée...Pour des parias de la chanson française, c’est
un joli come back !
Guillaume : C’est vrai qu’on a eu chaud ! (rires)
Ces trois dernières années ont été
très difficiles puisque vous étiez en procès contre
votre maison de disque. Néanmoins, c’est durant cette même
période que vous avez composé « L’Homme Fleur »
alors que vous n’aviez plus aucun soutien de la profession et que vous
n’étiez donc pas assurés que l’enregistrement puisse se faire.
Vous l’avez géré comment ?
Guillaume : On a vraiment failli ne pas s’en remettre. Quand on a décidé
de quitter Universal, ils ont refusé alors on est entrés
en conflit, il y a eu une procédure...
Mais encore ?
Guillaume : En fait, on avait signé le premier album chez un
indépendant qui s’appelait Musidisc. On a vendu 150 000 exemplaires
pratiquement, ce qui était inespéré. Et quand on était
en studio pour faire le deuxième album, Musidisc a été
racheté par Universal et donc on s’est retrouvés chez eux
sans le vouloir. Au départ on trouvait ça bien mais le jour
où on a essayé de négocier nos conditions d’arrivée,
ça nous a été refusé. Si on ne faisait rien,
on arrivait chez Universal aux conditions d’un tout premier contrat dans
un petit label, et c’était tout bonus pour eux. Donc on a demandé
une fois, deux fois, cinq fois et quand la sixième fois ils ont
encore refusé de négocier comme normalement tout employeur,
on a démissionné, on a fait comme dans le droit du travail,
on a chacun écrit une lettre de démission. Ils ont refusé
bien sûr, car on avait un contrat artistique. Et au jugement, on
a prouvé que notre contrat pouvait être assimilé à
un contrat de travail à durée indéterminé et
donc on avait le droit de démissionner. Ils ont été
condamné pour « entrave à la liberté du travail
»... mais ça a duré trois ans. Et quand t’es en conflit
avec une boîte comme Universal, ce qu’on avait pas prévu,
c’est qu’ils sont tellement puissants que t’es mis sur une liste noire,
que t’es grillé partout même chez leurs concurrents. C’est-à-dire
que pendant trois ans, tu peux appeler n’importe qui, mais personne ne
veux te répondre au téléphone.
Un retour à la chasse aux sorcières ?
Guillaume : C’est exactement ça.
Bruno : Tu vois, ils ont une sainte horreur des artistes démissionnaires
parce que ça remet tout en question, tous les contrats que les maisons
de disque passent avec leurs artistes, donc ils ont été obligé
de tout modifier après.
Guillaume : Et puis, on a vraiment eu peur parce que trois ans d’absence,
enfin je dirais même cinq, parce que le 2è album est sorti
en 98 et on a tourné pendant deux ans, donc on faisait quelque chose,
mais la tournée finie, on n’avait plus rien. Et pour les gens, ça
fait cinq ans sans sortie d’album donc on se demandait vraiment ce qu’on
allait trouver, on se demandait surtout si on allait trouver une maison
de disque qui voudrait bien travailler avec nous, parce que même
les petits ne voulaient pas toucher à Blankass. Au bout d’un moment,
les seuls coups de fil qu’on avait, c’était les huissiers!
Bruno : Et eux nous aimaient bien !
Guillaume : Ah ouais, ils nous appelaient souvent eux ! (rires) Et
pendant ces trois ans, on a composé l’album...mais plus du tout
de scène. Et puis t’as les quelques rares copains qui ont une salle
et qui te proposent de faire un concert de Blankass. On les remercie, mais
on préférait leur dire que s’ils voulaient vraiment nous
rendre service, il vallait mieux attendre qu’il y ait un nouvel album pour
pouvoir faire une grosse tournée. On s’est vraiment serrés
les coudes. Ce qui est bien, c’est que même si évidemment,
on a eu des moments de doute, jamais on a été découragés,
jamais on s’est dit qu’on allait arrêter. Au pire, on l’aurait produit
nous-mêmes, parce que « L’homme fleur », on voulait qu’il
sorte absolument.
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Blankass
© 2003 Toutnancy.com |
En fait, après deux albums qui ont cartonné, deux
nominations aux Victoires de la Musique, et des tournées qui font
salles combles, Blankass était une valeur sûre pour les pontes
de la musique. Et d’un coup, vous reprenez tout à zéro...
Il y a de quoi être blasé, non ?
Guillaume : Exactement. Tu sais, finalement, on n’avait jamais eu l’occasion
de prouver ce qu’on disait, que depuis le début, on est une bande
de copains qui veut faire de la musique. Après, le fait que ça
marche, c’est du bonus. Mais tu n’es pas obligé de vendre pour être
artiste, peu importe l’art. Donc on disait toujours ça, sans avoir
l’occasion de le prouver, mais là, on l’a prouvé. Et en même
temps on a eu le temps de faire, à mon avis le meilleur album de
Blankass. Un jour, Thierry Chassagne, qui venait de quitter Sony, nous
a appelé en nous disant qu’il créait un nouveau label chez
Warner qui s’appelait Up Music et il nous a proposé sa première
signature... Au départ, on a cru qu’il était saoul et en
plein délire. (rires) Et finalement, c’était vrai. Alors
on a signé et « L’Homme Fleur » est sorti le 1er avril
! Donc ça fait trois mois, on est à 45 000 ventes, on n’a
jamais fait des scores comme ça, donc tout va bien quoi. Et puis
revenir sur scène... engouement du public ou pas, t’es tellement
content, que tu ne vois plus les choses pareil, c’est une telle joie de
retrouver la scène ! T’as l’impression de ressortir la tête
de l’eau et de respirer.
Même si pendant que tu écrivais, on s’acharnait sur
ton groupe, tu as su rester zen et ne pas laisser transparaître la
colère dans tes chansons.
Guillaume : C’est vrai que suite à tout ça, on aurait
pu sortir un album hyper énervé, très revanchard...
Mais on avait surtout envie d’oublier ce passage là et revenir avec
un album très positif, très ouvert, où les gens sentent
qu’on est tellement contents de revenir qu’on n’a pas envie de perdre du
temps à prendre une revanche. On apprécie chaque instant,
même dans le camion... (rires)
Vous attaquez quand même l’album avec "Mondiale Idée",
c’est bien un clin d’oeil à vos mésaventures ?
Guillaume : C’est sûr. Mais tu sais, quand tu commences avec
un premier album, t’as envie de dire plein de choses et un jour tu te rends
compte que tu es en train de dire aux gens "ça c’est bien, ça
c’est pas bien" et que donc tu donnes des leçons aux gens alors
qu’ils sont assez grands pour savoir ce qui est bon pour eux ou pas. Et
dans ce troisième album, on avait envie de parler des mêmes
sujets mais à travers des histoires beaucoup plus de fiction, parce
que tu te rends compte que si tu veux délivrer un message, tu peux
aussi bien le faire en racontant des histoires comme dans un film ou un
roman. Et c’est tout aussi efficace. C’est pour ça qu’avec «
Mondiale Idée », on peut parler de la mondialisation au travers
de l’histoire d’un mec qui à un moment de sa vie, croit à
fond à l’argent et aux paillettes et qui se rend compte qu’il s’est
trompé de chemin. « Les Miens » aussi s’adressent aux
gens des maisons de disque qui te disent « oh mais ça c’est
pas assez funky pour nous, on va peut-être changer un peu la voix
».
Alors avec vos propres mots, c’est quoi les changements avec cet
album, pusique vous avez eu le temps de le faire mûrir.
Guillaume : La compo s’est faite comme d’habitude, mais il y a eu un
gros changement technique car on a voulu prendre encore plus de plaisir.
On avait l’habitude, comme la plupart des groupes, de faire la basse puis
la batterie sur tous les morceaux. Après on faisait toutes les guitares
et on finissait par faire toutes les voix. Et puis tu te rends compte que
ça peut donner des albums qui ont tous le même son, la même
couleur. Et là, on a travaillé différemment. On a
fait morceau par morceau et c’était mieux comme ça parce
que t’es vraiment dans l’ambiance de la chanson jusqu’au bout.
Bruno : En plus, on est tombé sur un ingénieur du son,
Ben Fidley, qui est une bête en informatique, qui manie super bien
le truc, qui bosse avec Peter Gabriel... et il nous a dit « moi je
peux tout faire, je peux supprimer une note, je peux te replacer le coup
de cymbale à un autre endroit. Mais ça m’intéresse
pas de faire ça car déjà ça s’entend et ce
qui m’intéresse c’est de choper la magie qui va se dégager
de la prise ». Lui, sachant qu’il peut tout faire techniquement,
ce qui l’intéresse, c’est de choper les musiciens et de capter le
moment un peu comme un photographe. Et il a vraiment travaillé dans
cette optique là, ce qui était super intéressant.
Et c’est peut-être pour ça que l’album sonne mieux que les
autres.
« La couleur des blés » était dans une
orientation acoustique, « L’ère de rien » est plus électrique
dans une optique de vous rapprocher de vos prestations scéniques.
Pour « L’Homme Fleur », on dirait que vous lâchez du
lest.
Guillaume : Je pense que la vraie expérience, c’est apprendre
à se servir de l’efficacité. Souvent, quand tu commences,
tu crois qu’être efficace, c’est en tartiner le plus possible. Mais
il y a des chansons qui ont besoin d’être dépouillées...
Tu prends « Sur la branche », c’est une chanson guitare acoustique/voix,
je sais qu’il y a dix ans, cette chanson là, on l’aurait pas fait
comme ça, mais on aurait rajouté plein de trucs dessus. On
aurait mis de la flûte, de l’accordéon, de la guitare électrique,
c’est sûr. On a préféré maintenant être
plus épuré pour être plus efficace.
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Blankass
© 2003 Toutnancy.com |
Concernant les concerts, vous êtes lancés sur une
grosse tournée ? Premières impressions ?
Guillaume : On a déjà retrouvé notre public. Il
y a même plein de visages qu’on reconnaît auxquels on faisait
pas forcément attention il y a six ans, ça c’est chouette
! Là je crois qu’on approche du vingtième concert donc c’est
vraiment le début. Entre avril et août, il y a 35 dates et
45 concerts du 15 septembre au 15 décembre et là, c’est vraiment
tous les jours. Et on entame une autre série du printemps jusqu’à
la fin de l’été 2004.
Bruno : Et comme va bientôt falloir faire 507 heures en 3 mois...
(rires)
Guillaume : Voilà les nouvelles ! (rires)