« Presque tous les auteurs militaires surchargent
tellement leur narration de détails, qu’ils jettent la confusion
dans l’esprit du lecteur, si bien que dans la plupart des ouvrages publiés
sur les guerres de l’Empire, je n’ai absolument rien compris à
l’historique de plusieurs batailles auxquelles j’ai assisté,
et dont toutes les phases me sont cependant bien connues. Je pense que
pour conserver la clarté dans le récit d’une action de
guerre, il faut se borner à indiquer la position respective des
deux armées avant l’engagement, et ne raconter que les faits
principaux et décisifs du combat. C’est ce que je vais tâcher
de faire pour vous donner une idée de la bataille d’Austerlitz,
bien qu’elle ait eu lieu en avant de ce village ; mais comme la veille
de l’affaire les empereurs d’Autriche et de Russie avaient couché
au château d’Austerlitz, dont Napoléon les chassa, il voulut
accroître son triomphe en en donnant le nom à la bataille
qui se livrera le lendemain.
Vous verrez sur la carte que le ruisseau de Goldbach, qui prend sa source
au-delà de la route d’Olmutz, va se jeter dans l’étang
de Menitz. Ce ruisseau, qui coule au fond d’un vallon dont les abords
sont assez raides, séparait les deux armées. La droite
des Austro-Russes s’appuyait à un bois escarpé, situé
en arrière de la maison de poste de Posoritz, au-delà
de la route d’Olmutz. Leur centre occupait Pratzen et le vaste plateau
de ce nom. Enfin, leur gauche était près des étangs
de Satchan et des marais qui l’avoisinent. L’empereur Napoléon
appuyait sa gauche à un mamelon d’un accès fort difficile,
que nos soldats d’Egypte nommèrent le Santon, parce qu’il était
surmonté d’une petite chapelle dont le toit avait la forme d’un
minaret. Le centre français était auprès de la
mare de Kobelnitz ; enfin la droite se trouvait à Telnitz. Mais
l’Empereur avait placé fort peu de monde sur ce point, afin d’attirer
les Russes sur le terrain marécageux où il avait préparé
leur défaite, en faisant cacher à Gross-Raigern, sur la
route de Vienne, le corps du maréchal Davout.
|